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Stéphane Nicolet, champion d’Othello Reversi et auteur du meilleur programme Macintosh

cassio

A la fois l’un des meilleurs joueurs d’Othello Reversi du Monde et auteur de Cassio, le meilleur programme sur Macintosh, Stéphane Nicolet nous explique comment son logiciel réfléchit et pourquoi il ravira aussi bien les débutants que les champions.

Sans doute connaissez-vous le jeu d’Othello, également connu sous le nom de Reversi. Comme le Go, il est très populaire au Japon, pays qui concentre la grande majorité des joueurs de compétition, soit environ 10 000. Il est pratiqué en France à haut niveau par une cinquantaine de joueurs dont quelques-uns sont de classe mondiale. Stéphane Nicolet, deux fois vice-champion du Monde et multiple champion de France, est l’un d’entre eux. C’est aussi l’auteur de Cassio, le meilleur programme tournant sur Macintosh. Grâce à une ergonomie et un graphisme très soigné, Cassio réussit l’exploit d’adresser aussi bien le joueur débutant que le champion qui l’utilisera quotidiennement pour s’entraîner.

Le programme Cassio bat systématiquement le Champion du Monde

Programme d'Othello-Reversi Cassio

Le programme d’Othello Cassio, en mode 3D

Votre programme d’Othello/Reversi Cassio est-il capable de battre le champion du Monde ?

Stéphane Nicolet : Oui et très largement puisqu’il peut le battre systématiquement, même lorsqu’on limite son temps de réflexion à deux secondes par coup contre plusieurs minutes pour son adversaire humain.

Une stratégie contre-intuitive et des règles stratégiques comptant de nombreuses exceptions

A Othello/Reversi, la stratégie est bien plus complexe que ne le laisse supposer la simplicité des règles. Et elle est contre-intuitive. Par exemple, si l’on cherche d’emblée à prendre le maximum de pions, on est sûr de les perdre en fin de partie. De même, les bords ne présentent souvent guère d’intérêt bien que l’on puisse les garder plus longtemps que les pions du centre. Même les coins, que l’adversaire ne peut reprendre, ne sont pas toujours de bons coups. La bonne stratégie consiste à réduire le nombre de coups possibles pour l’adversaire, ce qui amène le plus souvent à réduire le nombre de ses propres pions. Il s’agit également de faire en sorte de jouer le dernier coup de la partie et de chaque groupe de cases vides. Il existe en outre de nombreuses tactiques, comme certains pièges permettant de prendre des coins. Et pour compliquer encore les choses, chaque principe stratégique a de nombreuses exceptions.

Cela signifie-t-il que ce jeu est facile à programmer ?

S. N. : Il est facile de réaliser un programme capable de battre un débutant mais pour vaincre le champion du Monde, il faut compter trois années de développement. Pour ma part, j’ai commencé il y a 20 ans. Il faut ajouter qu’il est très difficile pour un humain de voir loin dans le jeu car de nombreux pions changent de couleur à chaque coup. Pour un ordinateur, cela ne pose aucun problème de mémoriser des milliards de positions potentielles. Cela dit, on constate le même phénomène aux Echecs, puisqu’un programme a battu le champion du Monde il y a déjà 14 ans.

Le palmarès de Stéphane Nicolet

  • Champion de France en 1997, 2000 et 2005.
  • Champion d’Europe en 2000.
  • Vice-champion du Monde en 1996 et 2007.
  • Vice-champion de France en 2002, 2006, 2007 et 2009
Stéphane Nicolet

Stéphane Nicolet, vice-champion du Monde
en 2007 (dans sa main droite, le chèque de
1500 dollars promis au finaliste)

Travaillez-vous seul sur Cassio ?

S. N. : Il y a un an, j’ai rendu Cassio modulaire afin que d’autres programmeurs puissent y brancher leurs propres moteurs d’intelligence artificielle. Deux d’entre eux, Bruno Causse et Richard Delorme, ont réalisé des moteurs particulièrement puissants. Le mien pouvait battre le champion du Monde moyennant 30 secondes de réflexion par coup. Ce sont leurs programmes qui y parviennent en deux secondes.

Cassio est-il donc réservé aux joueurs les plus forts ?

S. N. : Non car il s’adapte à tous les niveaux. Ainsi, à chaque fois qu’il perd deux parties de suite, il baisse d’un niveau jusqu’à se retrouver s’il le faut au niveau débutant. De plus, les graphismes ont été très soignés et il est particulièrement agréable à utiliser. Cela dit, le débutant délaissera de nombreuses fonctions comme l’analyse des parties sous forme de graphiques, la résolution de phase finale ou l’accès à la base de données de toutes les parties jouées en tournois depuis plus de 20 ans.

Le programme Cassio s’adresse aussi bien aux débutants qu’aux champions

Faut-il être un grand joueur pour réaliser un bon programme d’Othello ?

S. N. : En principe, il suffit d’être un bon programmeur et de bien connaître les principes de la stratégie. Mais lorsqu’on est un bon joueur, on utilise soi-même des programmes afin de s’entraîner. Cela m’a aidé à concevoir un logiciel ergonomique et adapté à mes besoins.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont réfléchit Cassio ?

S. N. : Tout d’abord, il a une intelligence artificielle, ou IA, capable d’évaluer la valeur d’une position à un instant t. D’autre part, il anticipe les coups en regardant dans le futur. Plus précisément, il explore les possibilités en regardant plusieurs coups à l’avance, jusqu’à 20 à 30. En fonction de l’évaluation, par l’IA, des milliards de positions futures potentielles, il sélectionne le meilleur coup.

Quel programme d’Othello/Reversi sous Windows, iPad ou iPhone ?

Si Cassio est le meilleur programme sur Macintosh, c’est aussi le plus ergonomique, tous systèmes confondus. Sur PC sous Windows, celui qui est à la fois le meilleur et le plus agréable à utiliser se nomme WZebra, développé par le Suédois Gunar Anderson. Sur iPad et iPhone, il existe de nombreux programmes dont le niveau est suffisant pour un débutant mais très peu d’entre eux rivalisent avec un bon joueur. C’est toutefois le cas d’iThor des français Nicolas Bacquet et Laurent Rossi.

L’évaluation des positions repose-t-elle sur des critères spécifiés par le programmeur ?

S. N. : C’était le cas jusque dans les années 1990 et cela permettait déjà de faire de bons programmes. Mais depuis, on a fait jouer des programmes les uns contre les autres durant environ 10 millions de parties afin d’optimiser automatiquement les paramètres d’évaluation des positions. Ces paramètres correspondent à des notes attribuées à des structures de pions de différentes tailles – entre 4 et 11 pions. Parce qu’elles se comptent par millions, il serait impossible pour un humain de les noter une par une.

Le programme affine automatiquement son intelligence artificielle en jouant contre lui-même

Cassio se base-t-il sur des bibliothèques d’ouvertures pour jouer les premiers coups ?

S. N. : Oui mais seulement jusque vers le 10eme coup car je voulais faire un programme qui ne joue pas systématiquement les mêmes parties. D’autres programmes utilisent des bibliothèques pour jouer jusqu’au 30 ou 40eme coup voire davantage.

Comment Cassio va-t-il progresser dans les années à venir ?

S. N. : Depuis quelques mois, je travaille avec Bruno Causse et Richard Delorme afin de répartir l’exploration des coups sur plusieurs ordinateurs connectés et synchronisés via Internet. Récemment, nous avons atteint 15 Macintosh totalisant 40 cœurs de processeurs, ce qui nous a permis d’explorer les 31 derniers coups d’une partie en seulement une minute, soit l’évaluation de plusieurs milliards de positions.

Programme d'Othello-Reversi Cassio

Cassio est utilisé par les joueurs de haut niveau pour analyser d’anciennes parties
Programme d'Othello-Reversi Cassio

L’analyse de cette partie montre que
les blancs ont eu un léger avantage en
début de partie, puis les noirs ont pris
le dessus. Cette analyse repose sur
l’avantage stratégique et non sur le
nombre de pions, qui ne signifie rien
à Othello, sauf évidemment quand la
partie est finie.

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